Nos anticipations pour le second semestre 2022

Après un premier semestre plus que chahuté, le second semestre 2022 débute sur une note moins défavorable. Les taux se sont repliés par rapport à leur plus haut, de 0.50% environ pour les 10 ans allemand et américain, les sociétés annoncent de bons résultats globalement : LVMH, Google, Microsoft, Nexans, …, même les derniers de la classe arrivent à tirer leur épingle du jeu : Elior, Atos, Vallourec, Wordline par exemple et enfin le président de la FED a utilisé un ton moins « hawkish » (agressif) lors de sa dernière intervention. L’été devrait être plus calme mais nous considérons que nous sommes en quelque sorte dans l’oeil du cyclone, cette phase où après une 1ére tempête, une accalmie s’opère, avant la seconde tornade qui arrive inéluctablement. La 1ère tempête, c’était l’inflation et la hausse des taux. La seconde ce sera la récession et la baisse des résultats des sociétés.


Nous payons aujourd’hui 10 ans de politique accommodante des Banques Centrales qui, il faut le reconnaître, nous ont permis de sauver le système après 2008, la crise des subprime (merci M. Bernancke), 2011, la crise de la dette européenne (Merci M. Draghi) et 2020, la crise du COVID (merci M. Powell et Mme Lagarde).


Mais, l’inflation, le cygne noir que tout le monde avait oublié s’est brutalement réveillé et de transitoire, elle est devenue bel et bien structurelle. Les causes sont connues : goulots d’étranglements dus au COVID, pénurie de main d’oeuvre, envolée des prix du pétrole, du gaz et des matières premières agricoles à la suite de la guerre en Ukraine, politiques budgétaires US trop généreuse, transition écologique, démondialisation mais la cause la moins avancée et la plus vraisemblable est certainement à chercher dans la monnaie au travers des politiques trop accommodantes des banques centrales et de l’explosion de la taille de leur bilan. Le fantôme de Milton Friedman, le prix Nobel d’économie, a brusquement réapparu avec sa théorie monétariste moderne qui nous expliquait que l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire. L’excès de liquidité qui avait provoqué une inflation des bourses, des cryptomonnaies et de l’immobilier sans se traduire par une hausse des prix s’est tout d’un coup diffusé à toute l’économie à partir de la fin 2021 pour accélérer après l’invasion russe en Ukraine.


Les banques centrales semblent perdues dans ce nouvel environnement contraire. La BOJ (Japon) est dans un déni complet considérant que rien n’a changé en maintenant ses taux inchangés. Conséquence, le Yen s’est effondré de 20 % contre $ depuis le début de l’année ce qui veut dire que l’économie japonaise vaut 20 % de moins qu’en 2021. La BCE a cru tenir bon avec ses taux négatifs mais a fini par craquer la semaine dernière en les relevant de 0.50% mettant fin à cette aberration que sont les taux négatifs. Les atermoiements de Mme Lagarde ont tout de même coûté 11% de valeur à l’euro revenu à parité contre $ et CHF. La FED (USA), la BOE (Angleterre) et même la BNS (Suisse) sont celles qui ont été les plus réactives en montant assez vite leurs taux sans savoir précisément si cela allait avoir un effet réel sur l’inflation.


Le durcissement des politiques monétaires est donc bien en oeuvre. Il arrive au pire moment. (Mais y a-t-il un bon moment pour arrêter l’argent gratuit ?). Le passage d’un régime des prix à risque déflationniste, à un régime des prix à risque inflationniste constitue forcément une épreuve pour les acteurs de l’économie, et notamment pour les ménages. La mobilisation d’une partie de leur épargne de précaution et le recours du crédit à la consommation n’y suffit plus : la contraction de la dépense est maintenant inéluctable. Les ventes au détail entrent en territoire négatif, les différents indicateurs de confiance des ménages se dégradent partout. Progressivement l’idée d’une récession fait son chemin, et d’ailleurs les grands organismes internationaux révisent à nouveau leurs anticipations de croissance. Celles du FMI n’auront tenu qu’un mois : une révision en baisse est déjà annoncée, alors que la commission européenne a revu sa propre copie… 2023 s’annonce délicate, mais comment va finir 2022 ? Si nous devons vivre une récession, comme l’anticipent un certain nombre d’économistes, les anticipations de bénéfices vont être révisées en forte baisse. Nous considérons qu’une baisse de 20% serait justifiée, au vu de toutes les raisons qui justifient une dégradation des bénéfices des entreprises. Le fort ralentissement de l’activité, voire sa contraction, demeure la raison majeure. Répartis sur des volumes plus étroits, les charges pèsent bien plus lourd. La hausse des charges elle-même constitue une autre raison majeure des révisions en baisse des profits 2022 et 2023. La litanie est longue : hausse du prix des matières premières, hausse du coût du fret, difficultés logistiques, et bien sûr hausse des salaires. Sans oublier la hausse de la fiscalité qui devrait arriver pour limiter les déficits budgétaires.


Dans cet océan de mauvaises nouvelles et de planètes non alignées (nous avons oublié le Covid en Chine, les tensions à Taiwan, le risque systémique italien voire français et les pénuries de gaz en Europe pour cet hiver), quels pourraient être les facteurs d’optimisme : La hausse des prix du pétrole, pourrait ne pas être durable face à une demande qui forcément baissera s’il y a contraction de l’activité. Les opérations militaires en Ukraine devraient se terminer sur une partition du pays, et la Russie reviendra à la raison. En ce qui concerne les politiques monétaires, très vite, face au risque récessif voire à une possible crise financière et immobilière, les banques centrales n’auront pas d’autre choix que de raccourcir le cycle de hausse des taux, et peut être relancer des opérations de Quantitative Easing sur des dettes privées et publiques ciblées (« vertes »). Enfin, la baisse des marchés à fait revenir les valorisations à des niveaux d’équilibre de long terme voire pour certaines valeurs technologiques massacrées à des niveaux d’achat.


Nous sommes néanmoins convaincus que la baisse n’est pas tout à fait terminée d’où notre grande prudence en prévision d’une rentrée compliquée :
– Le choc pétrolier est durable, car ses causes sont bien géopolitiques, mais aussi structurelles.
– La guerre en Ukraine risque de s’enliser et le Président russe va user et abuser de l’arme du gaz et créer des pénuries notamment en Allemagne et en Italie qui auront des conséquences importantes sur l’activité.
– Les banques centrales jouent actuellement leur crédibilité et la hausse des taux ne va pas s’arrêter. Elles ont poursuivi des politiques de Quantitative Easing jusqu’au premier semestre 2022, alors que l’économie n’en avait plus besoin, et les taux d’intérêt sont restés négatifs et trop bas trop longtemps.
– Les entreprises ont bénéficié en 2021 d’un contexte exceptionnellement favorable. Evidemment, les conditions d’exploitation sont différentes en 2022 et 2023 : leurs marges devraient baisser.
– Enfin, Les Etats ne vont pas pouvoir soutenir l’économie ad vitam, le niveau de dettes sur PIB devient astronomique pour certains pays adeptes du « quoi qu’il en coûte » et en Europe, les pays du Nord n’accepteront plus le laxisme des pays du Sud, le prétexte du Covid étant terminé.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons nos expositions actions proches de leur borne basse et nous renouvelons notre message de prudence :
Dans un environnement aussi incertain, les conditions de la hausse des actifs financiers ne sont plus réunies spécialement en Europe. Nous estimons que les portefeuilles doivent être positionnés avec moins d’actions, très peu d’obligations, moins d’Europe, plus d’Etats-Unis, plus de techs défensives, de santé, d’énergies surtout renouvelables et de dollar.


Enfin Pour terminer, nous voudrions tout de même exprimer notre satisfaction devant la fin des taux négatifs et le retour (contraint) à une certaine orthodoxie financière de la part des banques centrales (même si nous sommes encore très loin d’un niveau de taux d’intérêt conforme au niveau d’inflation). La répression financière menée par la BCE pour satisfaire les politiques laxistes des gouvernements (hors soutien pendant le Covid) va enfin prendre fin. En effet, nous assistons aujourd’hui à l’une des plus grandes expropriations de l’histoire européenne. Le patrimoine financier français s’élevait dernièrement à 6 000 milliards d’euros. Environ 80% sont investis en instruments de taux (assurance vie en €, Comptes à terme, livrets,). La perte de valeur due à l’inflation a été supérieure à 5 %. Les épargnants français et nos clients particulièrement ont été dépossédés d’environ 200 milliards d’euros au cours des 12 derniers mois. On retrouve la même situation dans d’autres pays européens et aux États-Unis. Cette expropriation invisible correspond à peu près au budget de l’Etat français. C’est donc comme si tous les impôts avaient été doublés. Nous payons le prix du relâchement financier de ces 30 dernières années et il est temps que cela cesse.