Nos anticipations pour le second semestre 2023 : Le conundrum va s’arrêter !

Bilan S1 2023

Les marchés actions ont continué inexorablement leur marche en avant pendant tout le 1er semestre 2023 après déjà un dernier trimestre 2022 flamboyant avec un CAC qui bat ses records jour après jour pour terminer quasiment au plus haut le 30 juin. Pourtant, pour reprendre la fameuse expression de M. Greenspan, nous sommes dans un parfait conundrum (énigme) tant les nouvelles macroéconomiques et politiques sont plutôt inquiétantes :

  • Hausses ininterrompues des taux des banques centrales
  • Inflation préoccupante
  • Récession à venir
  • Faillites bancaires spectaculaires aux Etats Unis et en Suisse
  • Guerre en Europe et tension à Taïwan

Alan Greenspan avait utilisé l’expression « Conundrum » en 2005 car il ne comprenait pas pourquoi les taux longs baissaient alors qu’il n’arrêtait pas de remonter ses taux courts. La Financière de l’échiquier, un de nos partenaires, utilisait récemment le terme de « dissonance cognitive » pour expliquer cette incohérence apparente.
Pourtant il y a beaucoup d’autres incohérences qui devraient nous mettre en garde :

  • Les grandes valeurs sont au plus haut mais les petites capitalisations sont à la peine, signes avant-coureurs de récession et de difficultés face aux hausses des taux
  • Le marché des introductions en bourse est totalement à l’arrêt comme les fusions acquisitions, signe d’un profond malaise sur les perspectives
  • Les volumes sur les marchés sont très faibles et seulement aux mains des algorithmes at autres trackers. Les investisseurs finaux sont quasi absents.
  • Les futures sur les taux directeurs US voient ceux-ci baisser avant la fin 2023 alors que les banquiers centraux ne cessent de répéter que cela n’aura pas lieu avant 2024. Qui a raison ? Si ce sont les marchés, c’est qu’il y aura une récession bien plus rapide et plus forte que prévue mais dans ce cas, les actions devraient souffrir.
  • Le pétrole et les matières premières baissent, autre signe de ralentissement
  • La reprise en Chine tant attendue à la suite de la réouverture post covid est très décevante
  • Les défaillances d’entreprises sont reparties en très nette hausse et dépassent désormais très nettement celui d’avant la crise sanitaire
  • Le marché immobilier après le marché obligataire est entré en sévère ralentissement et nous n’en sommes qu’au début. Le marché actions est a contrario un bon indicateur : les foncières cotées subissent un véritable krach touchées par la double peine de la hausse des taux : baisse des valorisations pour s’adapter à des taux plus élevés et hausse du coût des financements.
  • Seules quelques méga caps tirent le marché, le reste est à l’arrêt : les GAFAM (+ Tesla et Nvidia) raflent la mise en ce début d’année alors les 493 autres actions du S&P 500 stagnent.
  • Les Etats sont en train d’abandonner « le quoi qu’il en coûte » et de revenir à une nécessaire orthodoxie budgétaire contraints par l’explosion de leur dette et de leurs déficits et du coût futur compte tenu de la hausse des taux.
  • Les indicateurs avancés de l’activité industrielle (le fameux indice ISM) sont tous en dessous de 50 (zone de contraction économique) dans toutes les zones économiques particulièrement en Chine et en europe.

Il y a néanmoins de nombreuses explications à ce « conundrum » (les marchés ont toujours raison !) :

  • Les résultats des sociétés qui affichent trimestre après trimestre d’excellentes surprises démontrent la capacité des grandes valeurs à très bien naviguer même en cas de mauvais temps. Elles ont profité à plein de l’inflation en augmentant leur marge face à des consommateurs peu regardants et pleins de cash à dépenser après les années Covid. La fameuse spirale prix salaire tant redoutée par les investisseurs a laissé la place à la spirale prix profits beaucoup plus appréciée.
  • Les banques centrales ont certes relevé leur taux mais le quantitative tightening (diminution du bilan) encore très mesuré tarde à produire ses effets. L’inertie demeure grande, et reflète le stock de monnaie gigantesque hérité par les multiples Quantitative Easing. L’historique
    récent du comportement de leur cours plaide la cause des actions. Les vents contraires (hausse des taux, raréfaction du crédit, et probables révisons en baisse des prévisions de bénéfice des entreprises) ne sont pas assez puissants face à l’effet de la liquidité surabondante qui a sous-tendu la hausse des prix des cours.
  • L’Intelligence Artificielle, considérée comme un nouveau saut technologique aussi important que l’avènement de l’Internet, est capable de générer des gains de productivité considérables, de favoriser les marges des entreprises qui vont l’utiliser, et de réduire le risque inflationniste. Et même de maintenir le leadership mondial des USA face à la Chine. En gros, une sorte de martingale économique, qui correspond depuis l’aube de l’humanité au progrès technique d’une façon générale. Une martingale formidable pour les actions, capable, simultanément, de favoriser les bénéfices des entreprises et de lutter contre l’inflation, et donc de faire baisser les taux d’intérêt de marché.
  • Les différentes publications Outre Atlantique montrent l’exceptionnelle résilience de l’économie américaine. La croissance du PIB au premier trimestre a en fait atteint 2%, vs 1,3% en première estimation. C’est manifestement l’impact de l’IRA, l’Inflation Reduction Act, en fait un dispositif de subvention des entreprises nationales et une injection de pouvoir d’achat pour les ménages, qui a stimulé l’économie. Il est vrai que ce programme représente 2% du PIB américain… La confiance du consommateur a elle aussi largement dépassé les anticipations des économistes : les ménages américains ne trahissent pas leur réputation. La consommation est toujours au rendez-vous. Même les inscriptions au chômage ont baissé. La situation est toutefois moins favorable en Europe
  • L’inflation tant redoutée notamment celle du gaz et du pétrole a reflué beaucoup plus vite que prévu (mais insuffisamment aux yeux des banquiers centraux). Nous devions avoir une grave crise du gaz en Europe avec des coupures d’électricité qui devait plonger le continent dans le noir et la récession. Finalement, il ne s’est rien passé et le prix du gaz s’est effondré.

Perspectives S2 2023

Néanmoins, tous les éléments d’une correction sont devant nos yeux depuis quelques semaines :
Selon Fidelity, « résister aujourd’hui, c’est semer les graines de la fragilité à plus long terme ». Les plus anciens se souviendront de 1987 année où les taux s’étaient mis à fortement monter sans que le marché actions ne calme sa tendance haussière. Nous connaissons la suite…
Selon notre partenaire Alpine Macro, société indépendante de stratégie macro basée à Montréal, son modèle d’allocation tactique recommande d’être 100% taux et d’éviter totalement les actions. Depuis 1995, c’est la troisième fois que cela se produit : en 2002 et pendant l’été 2008. Même si ne plus être investi du tout en actions est excessif, leurs indicateurs sont évidemment à prendre en compte :

  • La valorisation des obligations est bien meilleure que celle des actions
  • Les obligations sont survendues et les actions sont pour la plupart surachetées. Le « fear and greed index » est sur « extreme greed ». Le ratio bear/bull est proche de ses plus hauts. D’un point de vue contrariant, il s’agit d’une lumière rouge.
  • Le rapport risque-rendement des actions s’est considérablement détérioré depuis les points bas d’octobre 2022 : les résultats prévisionnels 2023/2024 sont à la baisse et c’est seulement une hausse des multiples qui a tiré le marché vers le nord. Le PE US est proche de 20 contre une moyenne historique de 15.
  • Enfin, la volatilité des marchés US est proche de ses points bas. Le VIX n’est pas tombé à 10, ce qui marque toujours le creux cyclique mais il n’en est plus très loin.

Le sujet des Banques Centrales reste au coeur des préoccupations d’Alpine Macro mais aussi de tous nos stratégistes. Le marché ne pourra pas se battre éternellement contre la FED et La BCE. Le seul marché qui peut justifier sa hausse aujourd’hui, c’est le marché japonais avec une BOJ toujours aussi accommodante accrochée à ses taux 0. Cela s’est fait au prix d’une poursuite de la dépréciation du Yen qui n’est pas tenable sur la durée.
Les responsables des banques centrales l’ont déclaré très récemment à plusieurs reprises, lors d’auditions auprès des parlementaires américains, ou lors de la conférence de Sintra : les taux directeurs n’ont pas fini de progresser, et l’inflation de base (sous-jacente) est deux fois supérieure à leurs objectifs même si les derniers chiffres US à 3% en rythme annuel ont été très bien accueillis. Le premier risque du second semestre 2023 est la conjonction du maintien des politiques monétaires restrictives dans un contexte économique pré récessif. Rien de tel pour précipiter l’économie dans la récession. D’autant que l’économie des deux côtés de l’Atlantique est très financiarisée.
De plus, le risque est grand d’une erreur d’appréciation des banques centrales qui pourraient être amenées à remonter leur taux trop haut alors qu’elle ne verrait pas le ralentissement arriver. Enfin, les BC ont la volonté très ferme de réduire leur bilan en retirant mois après mois de la liquidité (quantitative tightening). C’est sans doute cette action que les marchés ont le plus à craindre.

Quelle stratégie adopter pour la fin 2023 ?

Dans ce contexte de marchés très hauts conjugués à des risques élevés, nous recommandons toujours une relative prudence même si nous ne recommandons pas comme le suggère le modèle d’Alpine Macro de sortir totalement des actions au profit du cash et des obligations.
Les politiques monétaires, budgétaires et réglementaires adoptées au cours de la décennie précédente (taux négatifs, QE, expansionnisme budgétaire) ont eu un effet significatif sur le couple rendement/risque de l’ensemble des classes d’actifs et ont poussé les actions à duration très longue (tech, croissance) au firmament au détriment des valeurs value (cycliques, bancaires, actions de rendement, …) et des obligations. A tel point que ces actions étaient devenues l’actif sans risque.

Le retour de l’inflation cyclique en 2021 a contraint les banques centrales à réagir et à amorcer le revirement de leur politique accommodante en relevant leurs taux directeurs et en réduisant leur bilan. Ce tournant a conduit aux ajustements de marché observés en 2022 et à la fin de la domination de la croissance sur la value interrompue en ce début 2023 grâce à l’engouement phénoménal autour de l’IA. Cette parenthèse fermée, le second semestre pourrait reprendre la logique amorcée en 2022 et être plus favorable à la value et aux obligations. Les valeurs de la transition énergétiques pourraient aussi se redresser après leur baisse ininterrompue depuis fin 2020 compte tenu de perspectives impressionnantes.

Côté taux, nous sommes beaucoup plus constructifs : le cash à 5.50% aux Etats Unis est équivalent au rapport bénéfice / capitalisation des actions avec le risque en moins. En France, la BCE devrait monter ses taux courts à 4% poussant la performance des sicav monétaires et autres CAT à des niveaux jamais vus depuis 15 ans. Les obligations souveraines à 4% sur le 10 ans US et 3% sur l’OAT française sont à des prix intéressants. Les corporate également avec des rendements autour de 4/5% pour l’Investment Grade et 6/8% pour le High Yield.
Nous sommes vraiment entrés dans un nouveau monde de taux plus élevés qu’on avait oublié depuis 2008 avec des conséquences évidentes sur les actifs cotés (actions, obligations, cash) mais aussi non cotés (immobilier, Private equity, fonds € d’assurance). Il nous semble que le marché l’a déjà très bien intégré sur les obligations et l’immobilier coté, Peut-être pas encore tout à fait sur les actions, l’immobilier physique ou papier et le Private equity.
Ces puissants changements sont sources de stress mais aussi d’opportunités. Nous essaierons de les saisir.