Perspectives printemps 2013 : En Avril ne te découvre pas d’un fil, and in may sell and go away

21 mars 2013

| Actualités

En Avril ne te découvre pas d’un fil, and in may sell and go away.

Le printemps semble enfin arriver dans nos jardins, mais sur un mode glacial. Il était temps après cet hiver qui n’en finissait pas à tel point que l’on pouvait se demander si le soleil existait encore.

Sur les marchés financiers, l’hiver a plutôt été clément. Et pourtant les nouvelles économiques sont déprimantes, particulièrement en Europe et les évènements politiques n’ont rien arrangé avec un nouveau psychodrame électoral en Italie, un président et un gouvernement français inaudible en guerre ouverte avec l’Allemagne et un sauvetage en catastrophe à Chypre. La Chine envoie également des signaux négatifs.

Néanmoins, à l’image du dérèglement climatique qui met à mal tout les bons vieux dictons de nos grands-mères en matière de prévisions météorologiques (Noël au balcon, Pâques aux tisons, s’il pleut à la Saint Médard, En Avril ne te découvre pas d’un fil,…), le dérèglement est devenu aussi la norme sur les marchés financiers depuis que les banques centrales inondent le Monde de leurs liquidités et ont cassé le thermomètre qui mesurait l’actif sans risque. Même le très sûr “sell in may and go away” s’avère inopérant avec l’envolée boursière sur l’on constate depuis fin avril.

Les dettes d’Etats souverains étant achetées à tour de bras par la FED, la BOJ, la BOE et dans une moindre mesure la BCE, le niveau des taux d’intérêts n’a plus rien à voir avec la réalité économique : ils devraient être 2 ou 3% plus élevés, compte tenu de l’inflation et du surendettement des pays développés. Qui pouvait imaginer que les taux allemands seraient à 1,17% et les français à 1,75% A part peut être les japonais qui s’y connaissent en matière de taux inférieurs à 1% et en matière de déflation depuis l’éclatement de leur bulle en 1989.

Un certain nombre de théories économiques ne fonctionnent plus ; à commencer par la fameuse prime de risque. Si le taux sans risque est biaisé, la prime de risque qui mesure l’intérêt qu’a l’investisseur à prendre des risques sur les actions ne fonction du taux sans risque ne marche pas.

Le lien entre croissance et performance boursière lui non plus n’est plus un bon indicateur : normalement, il existe une corrélation évidente entre performance boursière et croissance économique. Les cinq derniers jours du mois d’avril démontrent le contraire : plus les chiffres macroéconomiques étaient mauvais en Europe (taux de chômage, climat des affaires, indice PMI flash), plus les actions montaient. Une seule explication à ce conumdrum (terme utilisé par A Greenspan en 2005 pour se demander pourquoi les taux d’intérêt longs ne se tendaient pas alors que la FED remontait ses taux courts) : les marchés pariaient sur une action de la BCE obligée de bouger pour relancer la croissance en s’inspirant davantage des méthodes du grand frère américain. Ce qu’elle a fait en baissant ses taux à 0,50% début mai. Le

Monde selon Ben Bernancke. Une guerre sans merci à la déflation

Après avoir étudié de longues années la crise des années 30 et ses conséquences désastreuses, Ben Bernancke a théroisé sa méthode pour éviter à son pays et au Monde de sombrer dans la dépression. Il faut reconnaître qu’il l’a fait (pour le moment) avec un certain succès. En pratiquant une politique de taux zéro et en faisant baisser les taux longs à des niveaux inconnus inférieurs à 2% grâce aux multiples QE (Quantitative Easing), la croissance américaine est repartie et le niveau de chômage est repassé sous les 8%. Néanmoins, cette politique n’est pas sans créer des problèmes mais personne ne sait vraiment ce qui pourrait arriver le jour où les Banques Centrales arrêteront d’inonder le Monde de liquidités (ou si elles ne s’arrêtent jamais). Il est tout de même intéressant de lister les multiples risques nés de ces politiques monétaires extrêmement accomodantes :

– Inflation ou déflation? La création débridée de liquidités peut être source d’inflation différée. Selon la théorie monétariste, les variations de la masse monétaire influencent l’évolution du niveau général des prix et la valeur nominale des grandeurs économiques les plus importantes. Néanmoins, on ne perçoit aujourd’hui aucun signe d’inflation dans les pays développés comme si cet argent déversé ne rentrait pas dans l’économie réelle. Le risque de déflation est toujours présent, surtout en Europe mais ce risque est surtout lié justement à un manque d’initiative de la BCE.

– Financiarisation de l’économie : l’exemple récent d’Apple est instructif : la société va emprunter 100 Mds $ sur les marches (malgré 114 Mds $ de liquidité) pour financer son programme de rachat d’actions. Sur le fond, ce type d’opération, notamment pour une entreprise technologique, n’a jamais fait monter la valorisation d’un groupe ! Au contraire, cette logique financière est clairement un aveu d’impuissance à améliorer les marges économiques dans les prochaines années. Le groupe va donc augmenter le revenu par actions par un levier purement financier. Une aberration ! Cet exemple d’Apple ne souligne-t-il, indirectement, pas un échec du « QE » ? La banque centrale par ses achats maintient les taux longs artificiellement le plus bas possible. Les entreprises sont incitées à s’endetter, mais elles n’investissement pas dans l’économie réelle, elles réalisent un levier purement financier face à une croissance molle de l’économie. Pas d’investissement dans l’économie réelle, mais une bourse alimentée par le crédit. Apple ne fera, peut-être pas, monter le cours de son action mais va distribuer 100 Mds $ d’ici 2015 aux investisseurs, qui pourront investir ces liquidité dans d’autres actions, et faire monter l’indice global.

– Trappes à liquidités : Ben Bernancke a sauvé les Etats Unis de la dépression, il n’a pas pour autant remis le pays sur le chemin d’une croissance pérenne. Les injections de liquidités ont finalement peu d’effet sur l’économie réelle, et tels les médecins (ou les charlatans) contraints d’administrer plus de morphine à un mourant, les banques centrales sont contraintes d’injecter de plus en plus de monnaie avec un résultat limité.

– Bulles, krach, risques systémiques : ces montagnes de liquidités, si elles ne vont pas dans l’économie réelle on les retrouve sur les marchés financiers, à commencer par le marché des obligations d’Etat surachetées, les matières 1ères (la chute de l’or de 9% le 15 avril ressemblait à un black Monday du métal précieux après sa hausse vertigineuse des 5 dernières années) et enfin les actions. Cette déconnexion, surtout en Europe, entre macroéconomie et bourse peut sembler perturbant.

– Pertes d’indépendance des Banques Centrales. Le FMI et La Bundesbank s’alarment régulièrement de ce risque au fur et à mesure que les instituts d’émission colmatent les déficits des Etats et que leur mandat se trouve élargi vers la croissance et l’emploi. Le cas extrême nous vient du Japon où le gouverneur de la BOJ agit sur ordre du nouveau premier ministre : objectif affiché : sortir le pays de la déflation et faire baisser le yen.

– Guerre des changes : L’objectif non-dit de ces politiques est de faire baisser sa monnaie afin de relancer les exportations et d’importer de l’inflation. Sauf qu’à ce petit jeu, il y a toujours des gagnants et des perdants avec un risque dangereux de retour du protectionnisme. Les mesures récentes du Japon sont clairement une déclaration de guerre aux autres pays, à commencer par la Corée qui il est vrai a construit en partie sa croissance sur la faiblesse du won. En fait le Japon exporte sa déflation et importe de l’inflation.

Nous ne savons pas si M Bernancke a théorisé la sortie de cette politique monétaire inédite. Il n’en reste pas moins qu’il est urgent de réfléchir à une sortie douce aux Etats Unis de l’assouplissement monétaire couplée à une réduction du déficit budgétaire au moment où l’Europe doit s’y engager pour éviter déflation, récession voire dépression. La stabilité économique est cruciale, mais elle peut s’avérer être “une arme à double tranchant” en encourageant les investisseurs à prendre des risques inconsidérés, a estimé vendredi 10 mai le président de la Fed, évoquant à demi-mot le risque de bulle.

Bull ou bulle ? Voulez-vous du Rwanda 2023 6.875% !

Comme nous l’anticipions dans nos dernières lettres d’automne et d’hiver, les actifs risqués ont payé :

– Les obligations souveraines sont à des sommets avec des taux extrêmement bas même sur les périphériques. Les investisseurs se ruent sur ce qui délivre encore un peu de rendement oubliant parfois toute mesure de risque : l’exemple extrême nous vient du Rwanda qui a emprunté récemment à 10 ans 400 M € à 6.875% (3Mds € demandés) alors que le pays est noté B, en catégorie spéculative. Peu importe, les investisseurs cherchent désespérément du rendement et ce pays n’est endetté qu’à hauteur de 25% de son PIB. La guerre civile ignoble de 1994 est déjà oubliée. Sérieusement, avez-vous envie d’acheter du Rwanda 2023 même à 10% de rendement ?

– Le crédit après un démarrage timide en début d’année connait une accélération haussière impressionnante depuis un mois : les spreads se réduisent à une vitesse phénoménale notamment sur le high yield. Autre exemple intéressant : Petrobras vient de lever 11mrds $ sur le marché obligataire alors qu’il est déjà le groupe pétrolier le plus endetté du monde, avec une dette nette de 75mrds $ (10 fois celle d’Exxon). La demande pour cette émission aurait malgré tout atteint 40mrds et une des tranches, celle a 5 ans a servi un taux de 3.10% soit seulement 2,30 % au-dessus des US Treasuries de même maturité !

– Les actions sont au plus haut aux Etats Unis et en Allemagne, oublié le subprime ? elles ont fortement progressé en France et au Japon depuis l’été dernier. Pourtant les nouvelles macroéconomiques sont au mieux mitigés au pire très mauvaises : Certes, les Etats Unis nous surprennent agréablement : l’immobilier repart, le chômage baisse, la croissance semble tenir sur des niveaux supérieurs à 2.5%, le déficit budgétaire se réduit éloignant le fameux fiscal cliff mais tout cela reste très fragile. En Europe, nous sommes entrés en récession et la déflation est à nos portes. En Asie, la Chine tousse et les autres pays commencent à souffrir du yen faible. Le Japon, à l’exception des sociétés exportatrices, n’a pas encore démontré tous les bienfaits de « l’Abenomic ».

– Les matières 1ères en revanche ne sont plus à la fête ce qui est le côté paradoxal (et inquiétant) de la situation. L’or a subi un krach entre le 11 et le 15 mars perdant 13% en 3 jours, le pétrole est en baisse de 8% revenant autour de 100$ le baril. Mais le plus troublant est la baisse du cuivre de plus de 10% : le métal rouge est le meilleur baromètre de l’activité économique et sa corrélation avec l’indice américain est assez parfaite. Or la divergence depuis 6 mois n’est pas normale.

Alors bull market (marché haussier en référence aux cornes montantes du taureau) ou bulle financière ? Avec toute la prudence requise la situation actuelle ressemble bien à un début de bulle. Sachant qu’elle peut durer encore longtemps et porter les marchés vers des cimes plus élevées. Alors que faire avec son argent dans un monde de taux désespérément bas ?

– Obligations : Nous restons sur le high yield mais diminuons les risques en passant du bancaire au corporate et en diminuant la duration.

– Vendre vos obligations d’Etat ou investment grade. Garder les obligations High Yield à faible duration mais attention à ne pas prendre n’importe quoi. La récession en Europe peut générer des faillites (cf. Peugeot). Les convertibles sont également intéressantes surtout celles à fort delta actions.

– Actions : Nous passons d’une surexposition à une position neutre en maintenant un biais américain marqué et une sous pondération sur les émergents

– Devises : Nous sommes acheteurs de $

– Or : nous restons à l’écart de l’or physique et surtout des mines d’or.

Vous l’avez compris, après avoir poussé depuis 2 saisons à reprendre du risque grâce à l’action des banques centrales, nous commençons à prendre quelques bénéfices.

Nous diminuons la voilure même si nous le faisons graduellement car comme l’adage climatique « après la pluie le beau temps » restera quoiqu’il arrive immuable, l’adage boursier: « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » fonctionnera toujours malgré tous les efforts des banques centrales.